Julliard p.70
Ma belle-mère, femme d‘une beauté unique aux mariages multiples, fascinait mon père. Il la redoutait et la convoitait comme on pouvait le faire en ce temps-là, avec la femme de son meilleur ami : de loin.
Cependant pas d‘assez loin pour ne pas voir qu’elle appartenait à la race de celles pour qui l‘amour peut prendre plusieurs visages.
Furieusement monogame pour sa femme et pour celle des autres, ce n’est pas sans angoisse que mon père voyait vieillir celle qui allait devenir ma belle-mère, pendant que sa fille, ma future femme poussait superbe et droite vers une destinée semblable à celle de sa mère.
Pour lui voir se faner l‘une n‘avait rien de rassurant, puisqu‘elle était peu à peu remplacée par l‘autre : relais de la beauté, et relais du destin, comment pouvez-vous donc susciter des sentiments si profondément contraires ?
Comment peut-on rejeter une femme qui est par bien des points la réplique de celle que l’on aurait voulu posséder ?
Sommes-nous tous des renards et le raisin est-il trop vert, ou bien des passions inavouées engendrent-elles la pestilence ?
…
Les femmes veulent bien être jugées sur leurs actes qui ne les engagent jamais, mais elles exècrent ne pas être aimées pour ce qu’elles sont.