Stefan Zweig Romans et Nouvelles

Le livre de poche La pochothèque

Vingt-Quatre Heures de la vie d’une femme p.468

Et je sens de nouveau avec effroi quelle substance faible, misérable et lâche doit être ce que nous appelons, avec emphase, l’âme, l’esprit, le sentiment, la douleur, puisque tout cela, même à son plus haut paroxysme, est incapable de briser complètement le corps qui souffre, la chair torturée, – puisque malgré tout le sang continue de battre et que l’on survit à de telles heures, au lieu de mourir et de s’abattre, comme un arbre frappé par la foudre. La douleur ne m’avait rompu les membres que pour un moment, le temps de recevoir le choc, de sorte que je tombai sur un banc, hébétée, à bout de souffle avec pour ainsi dire l’avant-goût voluptueux de ma mort nécessaire. Mais, je viens de le dire, toute souffrance est lâche : elle recule devant la puissance du vouloir vivre qui est ancré plus fortement dans notre chair que toute la passion de la mort ne l’est dans notre esprit.

Publié le
Catégorisé comme Non classé